Alors que la pièce Antigone, métro Charonne 8 février 1962 s’apprête à débuter ses représentations le 24 septembre 2023 au théâtre Le Mélo d’Amélie, son auteur, Pascal Olive, se livre au travers des quelques questions qui lui ont été posées.
Expliquez-nous votre parcours et comment en êtes-vous venu à l’écriture.
Comment expliquer qu’on aime écrire ?…On aime d’abord se faire plaisir en se racontant à soi-même des histoires…Je tiens ça de ma mère qui aimait écrire des poésies…C’est dans les gènes, je pense, et j’ai d’abord imité ma mère en écrivant de petits poèmes quand j’étais adolescent…Beaucoup plus tard, dans les années 80 – j’étais fonctionnaire au Ministère de l’Industrie, alors située rue de Grenelle – je me suis lancé un challenge : écrire une pièce de théâtre comme au 17ème siècle avec unité de temps, de lieu, et d’action. Ce que je fis ! La pièce était en 5 actes, en alexandrins, et se déroulait sur une journée. Elle s’appelait La Fiancée d’Abimélech…et -se terminait sur ce vers : Tout s’éclaire en un jour, tout sombre avec la nuit ! Cette pièce fut jouée à Paris en…2018 ! Je m’étais remis à écrire des pièces en 2017. Entre les années 80 et 2017, j’avais écrit, en tant que parolier, environ 300 textes dont 100 furent mis en musique et chantés par mon fils Christophe Olive, alias Tof.
Il se trouve que vous rédigez d’une manière un peu particulière, en ayant inventé votre propre style. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
C’est exact, j’ai créé en 2021, à l’occasion de l’écriture d’Antigone II, un vers de 14 pieds, le « pascalin », nom trouvé par ma compagne Françoise Odolant. Rendons à César ce qui est à César ! L’alexandrin, qui commence sa vie juste après François Villon, vers de 12 pieds, prenait la suite du décasyllabe, vers de 10 pieds ! Il aura fallu attendre 4 siècles avant l’apparition au théâtre du pascalin… J’aimerais croire que cette versification qui apporte un souffle nouveau à la façon de dire du texte, de le jouer, soit repris, copié… En tout cas, je l’espère.
Quel type d’auteur pourriez-vous dire que vous êtes, ou plutôt, comment vous positionnez-vous dans le panorama de ce métier ?
Si se positionner, c’est être réactionnaire ou progressiste, je ne souhaite pas « prendre position » ! L’Art n’est, à mon sens, ni de droite ni de gauche. Je me définis comme un dramaturge et un poète, à la fois néo-classique et néo-réaliste. Mes influences sont à la fois très anciennes, Villon et Corneille, et plus récentes, Rostand, Cocteau, Céline et Duras…
Vous avez décidé de revisiter Antigone, premier du nom. Comment cette idée vous est-elle venue ?
C’est ma compagne Françoise qui m’avait suggéré d’écrire une pièce dont l’histoire serait de Terre et de Fierté ! Elle m’avait demandé pour cela de lire LE QUATRIEME MUR de Sorj Chalandon. Cela parlait de libanais de toutes origines et de toutes confessions, comédiens, qui devaient jouer Antigone ensemble ! Puisque c’est de cette héroïne qu’il s’agissait, j’ai lu les différents textes d’ANTIGONE de Sophocle, Cocteau et Anouilh. Et je me suis pris à rêver qu’on pouvait sans doute en faire naître une nouvelle, qui soit coupée de ses racines liées à la mythologie grecque et de son intemporalité ! ANTIGONE, la mienne, prend corps et forme en France, pendant les périodes noires de son histoire. Terre et Fierté ! Pour la période et les circonstances, c’est Anouilh qui me l’a soufflé à l’oreille ! Son ANTIGONE fut jouée à Paris, pendant l’Occupation devant un public d’officiers allemands ! J’avais ma temporalité et le moment de bascule où les pétainistes cèdent la place aux gaullo-communistes, et le cœur d’Antigone ne pouvant choisir entre ses deux frères, morts en combattant pour chacun des deux camps !
Pourquoi lui avoir donné une suite ?
Mon Antigone mourait symboliquement en 1944 ! Pour aller jusqu’au bout de ma transposition dans le monde contemporain, il fallait que je l’emmène jusqu’à sa mort physique ! En fait, la pièce Antigone, métro Charonne le 8 février 1962 s’arrête sur fond de sirènes juste avant qu’elle expire ! C’est comme si je me refusais de la voir disparaître… Antigone survivra-t-elle à ces événements ? Le public serait en droit de se poser la question ! Après tout, elle n’a que quarante ans…et Mai 1968 n’est pas si loin…
Quel a été votre processus créatif et les difficultés que vous avez rencontrées durant l’écriture de la pièce ?
L’idée de départ que j’ai eue, c’est que je devais montrer la rupture entre mon Antigone de 1944 et celle de 1961-1962. La première était écrite en vers et en alexandrins, alors, pour décrire le changement d’époque avec un rythme différent, plus moderne encore, j’ai pensé que je devais créer une nouvelle versification : le « pascalin », donc, était né. Le plus dur était fait ! Pour le reste, je devais reprendre le thème de l’inceste familial et aborder la situation politique de ces années-là où le FLN affrontait l’OAS : il suffisait qu’Antigone, communiste, aime un activiste de l’extrême-droite française et protège en même temps un membre de la résistance algérienne…
Vous situez la narration dans un contexte historique très fort, avec des personnages qui le sont tout autant. Qu’évoque cette période pour vous ?
Je suis né un 5 novembre 1954, quelques jours après la « Toussaint rouge » qui marque le début de la « Guerre d’Algérie ». Je me souviens – j’avais 5 ou 6 ans – de ma mère évoquer ce qu’on appelait les événements et l’entendre dire qu’elle était soulagée de savoir que mon père n’irait pas là-bas, à cause de son âge (38 ans en 1960) et de sa situation de père de famille… Cette période de l’histoire de France est, à mes yeux, l’une des plus sombres et des plus tues…Et il convient d’en faire ce triste constat : ainsi donc, une République, une Démocratie, peut se comporter comme la pire des tyrannies !
Après deux pièces, vous avez nécessairement un fort ressenti vis-à-vis de votre personnage principal, à savoir Antigone ? Si elle existait et que vous pouviez lui parler, que lui diriez-vous ?
J’aime toujours ton courage et ta fierté ! Les hommes envient ton courage ; les femmes jalousent ta fierté. Tu ne peux être aimée ni des uns, ni des autres ! Ton drame, Antigone, c’est aussi ta solitude.
Vos pièces invitent à voyager à travers les époques ou les contextes. D’où vous vient l’inspiration de vos différents textes ?
Le goût de l’Histoire et de la petite histoire dans la Grande Histoire, cela m’a toujours emballé et on ne peut et comprendre l’une sans aimer et comprendre l’autre : Antigone, c’est la petite histoire dans la Grande Histoire de la Guerre d’Algérie !
Parlez-nous des projets à venir.
Un est tout proche de voir le jour, c’est TERRA METALLICA. Nous sommes en 2870… Et mon héroïne, Fémina, est peut-être une sorte d’Antigone… Et j’ai dans mes tiroirs, MARDI SOIR A BÉTHANIE, dont le personnage principal n’est autre que Jésus.
Crédits photos : Emeric Gallego
Tous les dimanches à 19h30, du 24 septembre au 17 décembre 2023
Théâtre Le Mélo d’Amélie
4 rue Marie Stuart
75002 Paris
Pour découvrir la pièce : ANTIGONE, MÉTRO CHARONE 8 FÉVRIER 1962